Je m’appelle Carl Zetterberg.
Je suis Suédois. Je suis à Paris pour assister au procès du meurtrier présumé de ma fille Susanna. Depuis vendredi 14 septembre au soir, la justice a enlevé le mot présumé. La Cour vient de condamner Bruno Cholet à la perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans pour le meurtre de ma fille Susanna, mais je l'appelais Sanna.
Je suis resté digne, encore, depuis le 19 avril 2008, quand la police française m’a téléphoné pour me dire quelle avait retrouvé le corps de ma fille de 19 ans dans la forêt de Chantilly, menotté, avec une plaie au thorax, quatre balles dans la tête et carbonisé.
Je suis resté digne, toujours, quand j’ai appris que le faux taxi que Bruno Cholet conduisait quand il a enlevé ma fille à la sortie de la boîte de nuit La Scala avait été contrôlé par la police les 25, 26 et 28 janvier puis le 1er avril 2008 et condamné pour travail clandestin le 24 août 2007.
Je suis resté digne quand j’ai appris le passé judiciaire du meurtrier de ma fille. En 1976, il est condamné pour le viol d'une femme de 22 ans à Senlis. Libéré en 1981, il replonge en 1983 pour le rapt et le viol d’une fillette de 12 ans et le viol d’une auto-stoppeuse retrouvée nue et ligotée en forêt de Rambouillet.
Je suis resté digne quand j’ai appris que Bruno Cholet n’était pas inscrit au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), bien que condamné à trois ans de prison en 2006 pour un braquage commis l'année précédente au Chesnais. Interpellé le 28 juin 2005 par la PJ de Versailles, il s'était pourtant soumis à un prélèvement d'ADN. Mais son code génétique n'a depuis lors pas été versé au FNAEG.
Je suis resté digne quand j’ai appris que l’inconnu en casquette filmé par la caméra d'un distributeur de billets de Senlis alors qu'il retire 100 euros avec une des deux cartes bleues de ma fille portait le même pull que celui de Bruno Cholet.
Je suis resté digne quand la police m’a annoncé avoir trouvé dans le faux taxi de Cholet un pistolet de même calibre que celui qui a servi à tirer quatre balles sur ma fille. Sur ce pistolet, se trouvait l’ADN de Susanna et celui de Cholet. Digne également quand les policiers ont découvert toujours dans le faux taxi trois paires de menottes, un lot de cartouches et un sac en plastique sur lequel était marqué au feutre «Susanna 377».
Je suis resté digne quand Bruno Cholet a accusé les policiers d'avoir placé ce sac dans sa voiture et d’avoir mis son slip en contact avec l'arme pour y transférer son ADN.
Je suis resté digne quand Bruno Colet a fait un malaise au premier jour du procès, puis quand il choisit de se présenter nu le 7 septembre pour ne plus passer ses nuits à l’hôpital.
Je suis resté digne quand Cholet m’a interpellé devant la Cour, le matin du verdict : "Je peux vous regarder droit dans les yeux. Je suis innocent. Je n'ai jamais croisé votre fille et je ne l'ai pas tuée", m'a-t-il dit. Quand la présidente m’a demandé si j’avais quelque chose à dire à l’accusé, j’ai simplement répondu : "Non, Madame la présidente, je ne crois pas".
Pourtant, avec ma femme, nous avons trouvé la force après la mort de Sanna de créer une fondation, la fondation Sanna Zetterberg, dont l'objectif est de venir en aide à des enfants défavorisés en région parisienne.
Maintenant je peux rentrer en Suède.